À partir du 11 mai, les entreprises devront progressivement gérer le retour de leurs salariés après plusieurs semaines de confinement. Ce retour peut être une source d'anxiété pour les salariés qui doivent retrouver une organisation à laquelle ils ne sont plus (totalement) habitués, dans un contexte de crise sanitaire encore bien présent.
Au-delà de ce simple retour, les entreprises doivent également gérer le stress des salariés lié directement au virus. En effet, une épidémie peut engendrer des facteurs de stress comme la peur d'être contaminé, de contaminer les autres ou la peur de mourir. Ainsi, lorsque la durée est supérieure à une dizaine de jours, le confinement produit un syndrome post-traumatique, selon une étude publiée le 14 mars 2020 dans la revue médicale The Lancet.
La vigilance des entreprises quant à ces problématiques sera décisive, car les effets psychologiques du confinement ne disparaissent pas forcément à son interruption, ils peuvent durer plusieurs mois voire années, comme le suggère cette étude.
Situation inédite
L'accompagnement du retour des salariés après une longue période de confinement pose d'une manière inédite, mais tout aussi nécessaire, la question du rôle de l'organisation du travail et du management dans cette «prise en charge».
Les travaux en sciences de gestion et du management nous fournissent à ce sujet quelques éléments tout à fait intéressants. Au-delà des réflexions concernant le retour individuel d'un salarié après une absence pour cause de congés (maternité, paternité) ou d'arrêt maladie (burn-out, cancer, etc.), il est possible d'identifier des leviers opérationnels permettant de mieux gérer le retour des salariés sur leur lieu de travail et prévenir certains risques psychosociaux.
Nous soulignerons notamment l'importance de la culture organisationnelle, du dialogue social et d'une politique de santé et sécurité au travail.
La culture organisationnelle de l'entreprise doit être favorable à la gestion du retour des salariés dans ce type de contexte. En effet, l'organisation doit pouvoir s'adapter, notamment en modifiant certaines activités et tâches des salariés pour faciliter leur retour, au-delà des aménagements en lien avec la préservation de la distanciation sociale.
Le rythme de travail doit être également progressif : la reprise dès le mois de mai d'un rythme de travail comparable à l'avant-confinement reste en effet peu plausible, surtout après une période de deux mois de télétravail généralement subi.
Le rôle clé des IRP
La culture organisationnelle réside également dans l'échange et la communication, cela permet de garantir une confiance mutuelle entre l'employeur et les salariés et d'éviter certaines incertitudes, sources d'anxiété importante, encore plus prégnante dans un contexte de crise.
Sur ce point, l'Organisation internationale du Travail recommande une collaboration entre employeurs et salariés, notamment que ces derniers puissent participer aux décisions concernant leur sécurité, dans une dynamique de co-construction et de dialogue.
Justement, le dialogue social reste un espace incontournable pour discuter des problèmes que rencontrent l'employeur et les salariés dans ce contexte. Selon l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT), ce dialogue social permet de se donner les moyens d'anticiper les modalités de la reprise. Les instances représentatives du personnel (IRP) assurent la mise en œuvre de la prévention tout en exerçant une veille d'une situation évolutive et incertaine.
Il faut rappeler que, pendant la période de confinement, le dialogue social s'est poursuivi, via les aménagements mis en œuvre par le décret du 10 avril 2020 qui lève la limite des trois réunions par visioconférence des IRP et donne la possibilité d'utiliser une messagerie instantanée.
Repères écrits
Ces aménagements d'organisation des réunions des IRP permettent ainsi de discuter et d'anticiper le retour des salariés au sein de l'entreprise. Rien ne garantit toutefois le fait que ces aménagements aient été effectivement mis à contribution.
Enfin, la présence d'une politique de santé et de sécurité claire et précise favorise un retour dans de bonnes conditions des salariés sur leur lieu de travail. Le stress des salariés concernant un retour au sein de leur entreprise dans un contexte de crise sanitaire sera en effet réduit si l'organisation garantit un environnement sain, sécurisé et que le bien-être des salariés devienne un objectif primordial de sa politique (si tel n'était pas le cas avant).
Pour cela, l'employeur doit correctement organiser ce retour, notamment à travers une procédure écrite précisant toutes les étapes et les recommandations à suivre.
Ces repères écrits sont incontournables dans une situation caractérisée par de nombreuses incertitudes. Ici, la participation des acteurs médico-sociaux est importante pour accompagner les salariés, mais également intervenir en cas de problèmes sanitaires ou d'un point de vue psychologique (soutien, accompagnement, cellules d'écoute, etc.).
Le retour des salariés post-confinement constitue donc un enjeu majeur pour les employeurs. Ces derniers, en vertu de leur obligation de sécurité, doivent anticiper et adapter leur organisation du travail lors d'une crise sanitaire dont les effets sur la santé mentale des salariés peuvent se faire ressentir à court, moyen et long terme.
Ce retour permettra également de tester la capacité de résilience des organisations, décisive dans un contexte de plus en plus incertain.
Cet article est republié à partir de The Conversation. Lire l’article original.
Zilacene DEKLI, Docteur en sciences de gestion, Aix-Marseille Université (AMU) |
Tarik CHAKOR, Maître de conférences en sciences de gestion - Université Savoie Mont Blanc, Membre de la chaire Management et Santé au travail, Université Grenoble Alpes |