Par conséquent, tous ces partenaires ont signé un contrat avec les organisateurs de l’évènement leur donnant, en échange d’un apport financier et/ou matériel, le droit de communiquer sur cette association en utilisant le nom et le symbole (logo notamment) de l’entité parrainée. Ainsi, il est fréquent dans les publicités, les communiqués de presse ou les campagnes d’affichage des sponsors de faire apparaître le logo de la Coupe du monde associé à celui de la marque en fin de spot.
Or, les grands évènements internationaux constituent aussi des occasions pour des marques non partenaires de vouloir tirer parti de l’engouement suscité par ces grands rendez-vous. Cette pratique est connue sous le nom de « ambush marketing » (ou encore « parrainage par embuscade » ou pseudo-parrainage). Cette pratique est définie par la Cour d’appel de Paris comme :
« Une stratégie publicitaire mise en place par une entreprise afin d’associer son image commerciale à celle d’un évènement et donc de profiter de l’impact médiatique dudit évènement sans s’acquitter des droits qui y sont relatifs et sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’organisateur de l’évènement. »
Par exemple, dans une affaire jugée par le Tribunal de Paris en 2020, l’association qui organise le Festival de Cannes a assigné une des plus grandes maisons de luxe françaises en contrefaçon de droit d’auteur, de marques, et pour parasitisme en invoquant des pratiques d’ambush marketing. La marque se voyait notamment reprocher le fait de mettre en avant les stories Instagram de ses égéries sur le tapis rouge. Selon les organisateurs, ces publications pouvaient laisser croire qu’elle était une partenaire officielle du célèbre festival de cinéma.
L’ambush marketing en pratique
Néanmoins, il est tout à fait possible pour des marques non partenaires de tirer profit d’un grand rendez-vous sans utiliser directement la marque ou la propriété intellectuelle associée à cet évènement. À condition de faire preuve de créativité et d’originalité !
Plusieurs stratégies sont alors possibles :
Dans la première, l’annonceur non statutaire s’associe avec le média qui couvre le plus amplement l’évènement concerné. Ainsi, la marque de télésurveillance Homiris est partenaire de TF1, qui est le diffuseur officiel de la Coupe du monde de rugby, mais pas de l’évènement en lui-même. Cette pratique crée une confusion intéressante pour Homiris, puisque sa marque apparaît juste avant la reprise des matchs au même titre que les marques partenaires de l’évènement originel.
Une deuxième stratégie consiste, pour l’annonceur non statutaire, à occuper tous les espaces disponibles autour de l’évènement. Par exemple, pendant la coupe du monde de rugby, le diffuseur officiel est TF1, il peut être particulièrement opportun, pour une marque qui souhaite être visible et créer un lien avec l’évènement, d’acheter un maximum d’écrans publicitaires au moment de la diffusion des matchs, et si possible, le premier ou dernier écran des coupures publicitaires. De même, le pseudo-parrain peut acheter tous les espaces médiatiques laissés libres (campagne d’affichage autour des stades par exemple).
Troisièmement, l’annonceur non statutaire a comme option de s’associer avec une célébrité en lien avec l’évènement : on peut citer l’exemple d’Adidas qui diffuse une campagne publicitaire mettant en scène trois de ses ambassadeurs de marque, joueurs de l’équipe de France de rugby, alors que le parrain officiel de l’équipe de France de rugby lors de la coupe du monde est un concurrent, le Coq sportif.
Une quatrième stratégie repose sur le fait, pour l’annonceur non statutaire, d’adapter sa communication aux circonstances, de façon à suggérer une association avec la manifestation. L’exemple de la chaîne de restaurants Hippopotamus illustre bien cette stratégie. En effet, les restaurants sont théâtralisés, des vitrines jusqu’aux assiettes, afin de célébrer l’évènement. Parallèlement, cinq rugbymen français et internationaux sont ambassadeurs de la marque sur Instagram à l’occasion d’un jeu-concours.
Enfin, dernière stratégie, l’annonceur non statutaire peut exploiter à son profit les éléments non protégés : par exemple, une entreprise est parfaitement libre de communiquer par des mots, des couleurs, des images ou des symboles autour de l’univers de l’évènement concerné pour promouvoir ses activités. Ainsi, la marque Jägermeister a explicitement annoncé qu’elle se mettait aux couleurs de la France durant la Coupe du monde de rugby, de manière à « surfer » sur cet évènement.
D’ailleurs, la Cour d’appel de Paris dans sa communication définissant les pratiques d’ambush marketing, au sujet du festival de Cannes, a clairement précisé que l’emploi des mots tels que « 7e art » ou « Cannes » dans une communication promotionnelle est en soi parfaitement licite.
Une stratégie qui reste risquée
Les entreprises qui utilisent ce genre d’action de détournement/contournement des parrainages officiels ont pour objectif premier de profiter des valeurs mobilisées et de l’enthousiasme généré par les évènements en espérant bénéficier d’un transfert de ces éléments vers leur marque. Toutefois, s’il y a révélation de ces actions de pseudo-parrainage, alors la réaction du grand public est plutôt négative.
Une étude publiée en 2010 avait notamment montré que la révélation de ce type de pratique influence négativement l’intégrité perçue, l’évaluation affective et l’intention d’achat de la marque partenaire non officiel. De plus, plus les individus sont impliqués dans l’évènement, plus ces éléments sont perçus négativement.
Attention par conséquent à ne pas obtenir un effet de communication et d’image inverse à celui espéré !
Autrices
Marie-Laure Gavard-Perret, Professeure des universités en gestion, Grenoble IAE - INP, UGA , membre du laboratoire CERAG, spécialiste du marketing social et de la communication persuasive et préventive